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L’American Library Association rappelle la nécessité de défendre la vie privée des usagers

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L’ALA vient de mettre à jour son fameux Bill of rights. Ce document constitue un mantra pour les bibliothécaires américains avec une dimension éthique très forte. Il s’agit d’un document qui définit les principes de bases qui doivent guider le fonctionnement d’une bibliothèque. Ce document a été adopté en 1939 pour la première fois et a régulièrement été amendé. L’association vient d’apporter un amendement relatif à la vie privée qui dit ceci :

« Toute personne, indépendamment de son origine, de son âge, de ses antécédents, de ses opinions, dispose d’un droit à la vie privée et à la confidentialité quand elle utilise les services de la bibliothèque. Les bibliothèques devraient défendre, éduquer et protéger la vie privée des gens, en sécurisant toutes les données d’utilisation des bibliothèques, y compris les renseignements personnels identifiables. »

Cet amendement n’est pas qu’une simple déclaration d’intention. Comme le rappelle un des contributeurs de ce nouvel article, les bibliothécaires du pays vont pouvoir s’appuyer sur ce document de référence pour mettre à jour localement leur politique de confidentialité ainsi que leur pratique professionnelle favorisant la protection des données personnelles des usagers.

« D’un bout à l’autre du territoire, les bibliothécaires disposent désormais du soutien nécessaire pour protéger et défendre le droit à la vie privée de leurs usagers ».

A travers cet amendement, l’ALA envoie un signal fort à la profession. Toutefois, on manquera pas de noter une certaine contradiction de la part de l’ALA qui a récemment annoncé un partenariat avec Google. C’est facile de les attaquer là-dessus mais cette contradiction peut se justifier par des raisons très pragmatiques : prendre l’argent pour pouvoir mener des actions et sensibiliser à la question de l’intimité numérique. Ce reproche est d’ailleurs fait à d’autres organisations comme Mozilla qui peut continuer à mener des actions et développer des projets grâce au mécénat de Google. Retenir cette contradiction reviendrait à gommer toutes les autres initiatives que l’ALA peut conduire qui participent à une prise de conscience au sein de la profession. Ce serait aussi réduire et discréditer les actions menées localement par des bibliothécaires qui prennent leur bâton de pèlerin pour tenter de sensibiliser les usagers à la problématique de la vie privée.

On ne sauvera pas le monde

J’ai eu le plaisir d’intervenir cette semaine dans le cadre d’une journée professionnelle organisée conjointement par l’agence de coopération des métiers du livre en Normandie et la médiathèque départementale de l’Eure sur les données personnelles et les bibliothèques. Les échanges avec le public ont fait ressortir le constat que nous sommes prêts à agir en tant que professionnels mais notre action est plus proche du colibri que d’un raz-de-marée qui transforme en profondeur les usages. Ce constat est juste mais tout simplement parce que nous n’en avons pas la capacité. Ce combat collectif nécessite d’impliquer différents acteurs et notamment les pouvoirs publics. L’Etat organise et fournit une instruction à tous pour que chacun soit en capacité de lire, écrire, compter. (Bien évidemment, c’est la théorie et la réalité démontre que ce n’est pas le cas). Les pouvoirs publics mettent en place, par exemple, des dispositifs de sensibilisation aux dangers de la route avec l’éducation routière. Certes ces dispositifs sont incomplets mais sont portés par des politiques publiques qui offrent une visibilité à ces thématiques. Or pour l’intimité numérique, nous souffrons d’un manque de volonté de la part des pouvoirs publics. Bien au contraire, nous assistons actuellement à un processus de dé-tricotage des libertés individuelles et du respect des conditions nécessaires à notre intimité numérique. La récente loi anti-casseurs ou les récentes révélations sur les écoutes téléphoniques de manifestants rappelant la grande époque de la Stasi montrent que notre intimité est bafouée. Nous, professionnels des l’information, ne pouvons pas inverser cette tendance. Cependant, je suis convaincu que nous pouvons semer des graines qui porteront peut-être leurs fruits. Au regard de nos missions qui consistent à fournir un accès libre, neutre et équitable à l’information, à faire circuler les connaissances et favoriser l’acquisition de savoirs qui participent à l’équilibre d’une société démocratique où chacun a sa place, nous avons tout intérêt à mener des actions visant à faire prendre conscience de l’importance de l’intimité numérique. L’intimité, numérique ou non d’ailleurs, c’est ce qu’on décide de partager ou non avec des personnes ou des groupes définis. On voit bien qu’actuellement entre les GAFAM et la surveillance des agences de renseignements ce droit nous est ôté. L’intimité est la barrière qui nous permet de penser. Une société constituée de citoyens qui ne peuvent plus penser est une société déviante. Or les bibliothèques n’ont pas de place dans une société déviante. Alors prenons conscience collectivement et professionnellement de la nécessité de protéger les données personnelles de nos usagers pour continuer à donner du sens à notre métier.

Bonus

Dans le cadre du festival des libertés numériques organisés par les bibliothécaires de Rennes, j’ai animé un atelier pour les ados dans la médiathèque où je travaille. Je mets quelques ressources à disposition si jamais vous souhaitez vous en inspirer pour organiser ce genre d’événement. Cet atelier s’est déroulé sous la forme d’un parcours avec des minis ateliers que je présente ci-dessous, les participants peuvent naviguer d’un atelier à l’autre dans le sens qu’ils souhaitent.

Pour commencer, je me suis appuyé sur l’exposition Data Detox réalisée par l’EPFL Les premiers panneaux de l’expo ont constitué le point dé départ de l’atelier. Cela me semble intéressant pour définir le contexte et faire écho aux préjugés qu’ils peuvent avoir (« je n’ai rien à cacher »).

Puis ensuite un des ateliers abordait la question de la géolocalisation. Après avoir pris connaissance de la façon dont notre téléphone trahit notre position géographique, je leur ai fait un petit test avec l’application Google maps. L’objectif est de leur montrer comment cette appli collecte nos déplacements sans que nous en ayons conscience parce qu’elle est configurée par défaut de cette façon. La réaction des participants a été unanime : ils étaient tous en PLS. Pour ne pas les laisser dans leur torpeur, je les ai invités à désactiver le tracking de maps et à télécharger l’application OSMand+.

Une autre activité portait sur les demandes d’autorisations des applications. L’objectif de cet atelier consiste à faire prendre conscience que certaines applications sont très intrusives et demandent des autorisations d’accès sur le téléphone qui ne sont pas légitimes. A partir d’une tablette mis à disposition, le participant installe un certain nombre d’applications sur l’appareil. Ensuite, il installe l’application Exodus Privacy pour voir les trackeurs et les demandes d’autorisations abusives des applications précédemment téléchargées. Téléchargez le support de cet atelier : Des applis un peu trop curieuses

Une des activités portaient sur le tracking publicitaire lié à la navigation sur le web. L’objectif est de leur faire prendre conscience de ce qu’est le tracking et comment il se manifeste. Pour cet atelier, je me suis appuyé sur l’extension Lightbeam (ou Kimetrak) de Firefox pour révéler tous les trackers qu’il peut y avoir quand on navigue sur un site. Les réactions des participants étaient assez chouettes. Certains ont eu l’idée d’aller visiter le site qu’ils utilisent au collège pour leurs devoirs et la correspondance avec leurs profs. Ils n’ont pas été déçus du résultat ! Téléchargez le support de cet atelier : Le tracking.

Ensuite un des ateliers proposés concernait la question des métadonnées. L’objectif consiste à leur montrer en quoi les métadonnées compromettent notre intimité numérique et portent atteinte à notre vie privée sans avoir besoin d’accéder aux contenus. Cet atelier se décompose en deux temps : un questionnaire puis une vidéo pour tout comprendre sur les métadonnées. Je me suis servi de cette vidéo du journal Le Monde qui a été réalisée au moment du vote sur la loi renseignement. Cet atelier était accompagné d’un second sur les métadonnées associées aux photos (EXIF) afin de montrer comment une photo peut révéler des informations sur nous. Télécharger le support de cet atelier : Les métadonnées

Un des ateliers portait sur le chiffrement et plus précisément sur le chiffrement de données dans des espaces de stockage en ligne type Google Drive, DropBox ou OneDrive à partir du logiciel Cryptomator. (On peut utiliser également CryFS si on est sous un environnement Linux ou MacOS). Il est commun d’utiliser ce genre de service en ligne quand on dispose d’un compte gmail ou hotmail. Cette solution peut être utilisée si on n’est pas prêt à se lancer dans des solutions d’auto-hébergement qui peuvent être effrayantes quand on ne connaît pas. Grâce à Cryptomator, on peut déposer des fichiers dans son Drive sans que Google puisse accéder au contenu des documents. Télécharger le support de cet atelier : Chiffrez vos données dans le cloud

Un dernier atelier abordait la question du DNS. En effet les serveurs DNS compromettent notre intimité dans la mesure où le fournisseur du serveur DNS sait sur quels sites nous allons. Je vous invite à lire cet article de Korben pour comprendre rapidement de quoi il s’agit (ainsi que le livre Cyberstructure de Stéphane Bortzmeyer publié chez C&F éditions). Généralement, les serveurs DNS configurés par défaut sont ceux de Google (8.8.8.8 et 8.8.4.4). L’objectif de cet atelier était de modifier le DNS d’une connexion wifi à partir d’une tablette mise à disposition. Télécharger le support de cet atelier :Changer le DNS

Enfin, un ordinateur était accessible avec l’édition spéciale des Incollables réalisée en partenariat avec la CNIL pour tester les connaissances des ados et de ce qu’ils ont retenu après être passés sur les différents ateliers. J’avais mis en place également un atelier sur les conditions générales d’utilisation à partir de l’extension TOS;Dr. Mais ce n’était pas satisfaisant parce qu’elle est en anglais et n’indique pas systématiquement clairement le contenu des CGU des plateformes. Globalement, cet atelier est plutôt positif et assez intéressant à mener. Il permet d’aborder les questions des données personnelles en évitant l’écueil du cours magistral qui peut devenir assez ennuyeux pour des ados. Si vous avez des questions, n’hésitez pas à passer les commentaires !

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